SCNV - Spéléo-Club du Nord-Vaudois

Des spéléologues au service de l’archéologie

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Lors de travaux de terrassement pour la réfection du centre ville d’Avenches, la maçonnerie d’un puits médiéval a été mise au jour au début de l’année 2010. Cette découverte, au beau milieu de la Place de l’Église, est assez inattendue car les archives communales ne font état que de la mise en service d’une première fontaine au XVIe siècle. Il y a une trentaine d’années d’ailleurs, les précédents travaux sur cette place n’avaient pas révélé la présence de cette construction, probablement en raison de la moindre profondeur sondée. Le puits était intégralement comblé et seuls son mur circulaire, d’un diamètre intérieur de 1,2 m et les fondations d’une enceinte extérieure étaient visibles lors de la découverte. Il est vraisemblable que le puits a été désaffecté puis rebouché dans les années qui ont suivi la construction de la fontaine.
Les archéologues de l’Association Pro Aventico ont entrepris de retirer les matériaux obstruant le puits afin d’étudier son architecture et dans l’espoir de découvertes dignes d’intérêt parmi les gravats. Ainsi, la profondeur de huit mètres a pu être atteinte, permettant de révéler notamment la présence d’éléments de tuyaux en bois, fixés bout à bout verticalement à une dizaine de centimètre de la muraille. Ces tuyaux, vestiges d’un système de pompage de l’eau du puits, se trouvent dans un excellent état de conservation grâce l’humidité du sous-sol.

Spéléologues à la rescousse

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La profondeur s’accroissant, les archéologues se sont vus confrontés à une augmentation progressive de la difficulté de leur travail : il devenait difficile, voire dangereux pour la personne se trouvant au fond, d’extraire les matériaux obstruant le puits. De plus, la durée restante pour achever la fouille devenait très restreinte devant l’avancement rapide des travaux de la Place de l’Église. C’est face à ces constats que l’Association Pro Aventico a fait appel à l’expérience du Spéléo Club du Nord Vaudois. Que se soit dans le cadre de leurs explorations souterraines ou, à l’occasion de divers chantiers, ces spéléologues sont coutumiers des travaux de désobstruction les plus divers.
Une installation de levage a été réalisée sur mesure pour la fouille d’Avenches, assurant le convoyage en toute sécurité d’un gros bidon ou des personnes jusqu’au fond. Munis d’un moteur électrique pour le levage, un chariot suspendu à un rail permettait en plus de déporter le bidon sur le côté pour le vider sans risquer de provoquer des chutes de pierres dans le puits.
Paradoxalement, les spéléologues ont bénéficié de la bise et des basses températures du début du mois de mars qui ont retardé les travaux de pavage de la Place. En raison de ce froid sibérien en surface, descendre creuser les mains dans l’eau au fond du puits était presque une récompense car là, avec une dizaine de degrés au-dessus de zéro, les conditions étaient pour ainsi dire agréables ! Au cours de cinq journées de labeur, partiellement effectuées pendant les congés de fin de semaine, huit mètres supplémentaires ont pu être dégagés et le fond du puits a été atteint, à 16 mètres de profondeur.
Le fait d’avoir pu entièrement vider le puits a réjoui les archéologues et les spéléologues car grande aurait été la frustration de devoir cesser de creuser avant d’en atteindre le fond. D’un point de vue scientifique également, ce résultat a permis de documenter intégralement ce vestige, par des mesures, des croquis et des photographies. Les études se poursuivront en laboratoire avec la conservation et l’examen approfondis des éléments trouvés dans les matériaux, provenant vraisemblablement de démolitions, utilisés pour boucher le puits.

Un patrimoine à mettre en valeur

Le système de pompage de l’eau découvert fera l’objet d’un examen particulièrement attentif. Sans être un cas unique, la découverte d’un tel dispositif semble être exceptionnelle, particulièrement vu son bon état de conservation. Les tuyaux de bois extraits ont été fabriqués dans des poutres carrées dont les angles sont chanfreinés, leur donnant une section octogonale d’environ 18 cm.

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Leur longueur est comprise entre 1,80 et plus de 2 mètres, le trou intérieur ayant un diamètre d’environ 6,5 cm. Le raccord et l’étanchéité entre les différentes sections étaient réalisés par un cylindre de fer enchâssé dans le bois. Le tuyau inférieur, posé sur un dernier élément de 50 cm de longueur, percé de trous faisant office de crépine, possédait encore une soupape en bronze ou en laiton parfaitement conservée. Le fond du puits était occupé par de gros galets sur lesquels une épaisse couche morceaux de tuiles était disposée. Ces éléments, vraisemblablement d’origine, faisaient probablement partie du dispositif sensé filtrer l’eau et éviter l’envasement de la crépine.

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Le puits a été en grande partie maçonné avec des pierres de calcaire jaune récupérées dans les ruines romaines proches. A intervalles réguliers, une ceinture d’épais parements de molasse ou de grès consolide la construction. En profondeur, les derniers mètres sont intégralement confectionnés en gros blocs de molasse taillée et le diamètre du puits, jusque là parfaitement constant, se rétrécit très légèrement. L’ensemble du puits est remarquablement construit et d’une magnifique esthétique. Afin de mettre en valeur ce témoignage médiéval, il ne sera pas rebouché et une vitre, disposée au niveau des pavés, permettra de l’admirer lorsque les travaux de la Place de l’Église seront achevés.