SCNV - Spéléo-Club du Nord-Vaudois

«35 ans d’explorations à Somiedo (Espagne)»

Les premiers pas…

m somiedo

Quel est l’intérêt pour un groupe de spéléologues suisses de parcourir plus de 1500 km jusque dans les Asturies pour explorer des grottes alors que bien des découvertes sont encore possible dans le Jura et les Alpes ? Un besoin d’exotisme ? Peut-être. La nécessité de changer d’air ? Certainement.

Aujourd’hui la motivation est alimentée par la perspective de découvrir de nouvelles galeries et de nouveaux gouffres. Mais, en 1982, lorsque Isidore Raposo, son épouse et leur premier fils ont mis les pieds pour la première fois à Somiedo, ils cherchaient avant tout une zone leur permettant de satisfaire leur passion lors de vacances actives près la Galice natale d’Isidore.

Deux raids familiaux en avril et juin de cette année-là, complétés par des recherches bibliographiques et des contacts avec Juan José González Suárez, alors président de la Fédération du Nord-Ouest de Spéléologie, ont définitivement accrochés Isidore. Il restait à motiver les membres du club et cela n’a pas été difficile. Après avoir découvert les beautés souterraines du Cares (Picos de Europa), à la limite des Asturies et de la Cantabrie, il ne restait qu’un pas à franchir en direction de l’ouest. Ce pas a été fait en été 1983 lors d’un raid effectué pendant le camp d’été dans le Cares.

Plus de 35 ans que cela dure…

Depuis, il ne s’est pas passé une année sans qu’un camp d’été d’une semaine ne soit organisé par le Spéléo-Club Rouler-Bouler puis, depuis 2000, par le SCNV (voir historique du SCNV ). D’expéditions en expéditions, le sous-sol de ce coin des Asturies a dévoilé quelques-uns de ses secrets. Plus de 150 grottes et gouffres de toutes dimensions et profondeurs ont été découverts, explorés et répertoriés. Aucun n’atteint des records mais de belles découvertes ont régulièrement récompensé les explorateurs. Autant sans doute que les découvertes souterraines, l’exceptionnelle beauté de ce coin de pays contribue à avoir un plaisir immense à y retourner.

Situation géographique

m carte espagne nordLe Parc naturel de Somiedo est situé à 70 km au sud-ouest d’Oviedo, la capitale de la Principauté des Asturies, l’une des 17 régions autonomes d’Espagne. Le Consejo (district) de Somiedo (29122 hectares) est placé dans une zone montagneuse, à des altitudes variant entre 475 m (Aguasmestas) et 2194 m (El Cornón).

Dans le périmètre de nos activités, plusieurs sommets (Picos Albos, Peña Orniz) dépassent les 2100 m d’altitude. Pola de Somiedo, chef-lieu du district, est située à près de 700 m d’altitude. Avec environ 2000 habitants pour l’ensemble du district, la densité de population est l’une des plus faibles d’Europe, phénomène qui s’explique, entre autres, par les conditions climatiques extrêmement dures qui y règnent. En effet, le 60% de la surface considérée est située à plus de 1200 m d’altitude.

Cela dit, la création du Parc naturel en 1989, le premier des Asturies, a eu pour effet de renverser le mouvement migratoire et de créer des emplois, notamment pour les jeunes, qui ne sont plus contraints de quitter la région pour gagner leur vie. Un fort afflux de touristes espagnols mais aussi étrangers – le Parc a également été classé Réserve de la Biosphère par l’UNESCO – a été constaté, mais tend à se stabiliser, probablement en raison de la création de nombreux autres Parcs naturels en Espagne.

Géologie

m geologie pena orniz
Le nom de Somiedo (Sumetum, pays de montagnes élevées) résume on ne peut mieux la morphologie de notre terrain d’activité, une portion de territoire dont la face visible témoigne des effets de la glaciation de Würm (70000-15000 a) : vallées glaciaires, poljés, dépôts morainiques, gorges profondes. Pas moins de 12 anciens glaciers ont été répertoriés sur notre zone d’exploration, principalement circonscrite au synclinal des lacs de Saliencia. Ces lacs (Lago del Valle, lago de Cerveriz, lago de Calabazosa ou lago Negro, lago Cueva) se sont d’ailleurs formés lors du retrait des glaciers.

m geologie lago del valle
Au même titre que les principales rivières de la région (río Somiedo, río Saliencia, río Pigüeña), ils sont exploités depuis le début du siècle passé par Hidrocantábrica, la compagnie électrique régionale, au travers de trois centrales électriques construites dans la vallée. Le río Somiedo draine à lui seul les eaux des deux tiers du territoire (188 km²). Cette rivière est notamment alimentée par el río del Valle, dont le bassin d’alimentation (33 km²) va de Peña Orniz (2182 m) au nord du village de Valle de Lago, où se fait la jonction avec le río Sousas.

Quant au río Saliencia, qui draine les eaux de la vallée située à l’est de Valle de Lago, il draine pour sa part les eaux d’un bassin (60 km²) dont le point le plus élevé est à Murias Bravas (2128 m) et la cote inférieure au barrage de la Malva (615 m), endroit où il se jette dans le río Somiedo. Ces deux rivières drainent, du moins en partie, les zones (G, H et Z) sur lesquelles nous avons concentré nos efforts jusqu’ici. On ne peut toutefois pas exclure un enfouissement d’une partie des eaux dans des couches profondes selon l’hypothèse de M. Julivert qui a réalisé les premières cartes géologiques de la région.

Cela dit, deux colorations réalisées par injection de fluorescéine, en 1996 dans la rivière du réseau de Cerveriz (H4) et en 2002 dans le ruisseau de la zone profonde du G8 (Gran Pozo de Promedio), ont permis d’établir une relation directe avec les sources situées dans la vallée de Saliencia, au pied de Cueva Fresnedo.

m geologie saliencia
Les phénomènes glaciaires et l’érosion fluviale ont modelé notre terrain de découvertes dont la formation remonte au Carbonifère (360-285 ma). Les cavités s’ouvrent dans la séquence nommée calcaire de montagne, dont l’épaisseur atteint jusqu’à 1500 m. Le soulèvement de la chaîne Hercinica (300 ma) est à l’origine des plissements dont les superpositions spectaculaires, visibles notamment sur la rive droite de la vallée de Saliencia, ont produit “los mantos de Somiedo”, c’est-à-dire les couvertures de Somiedo.

Climat

Le climat de Somiedo est influencé principalement par l’Atlantique. Il se distingue donc par de fortes précipitations et une omniprésence du brouillard durant une bonne partie de l’année. Toutefois, notre aire d’activité, située le long du sommet de la chaîne, subit les influences favorables du climat continental. Il est courant de voir un épais brouillard monter rapidement de la vallée en fin d’après-midi et tout envelopper en quelques minutes. Plus tard, depuis notre campement établi sur la rive droite du río del Valle, à 1540 m d’altitude, tout se dissipe généralement et un ciel magnifiquement constellé remplace la brume.

m climat-1

Les précipitations annuelles à Valle de Lago (1200 m) atteignent une moyenne de 1619 litres par mètre carré, contre 1087 à La Riera, beaucoup plus bas dans la vallée. En principe, les chutes de pluie et de neige augmentent avec l’altitude, mais l’absence de mesures au-delà de 1500 m (station du col de Leitariegos, à l’ouest de Somiedo) n’a pas permis de vérifier cette hypothèse. Au-dessus de 1500 m, les gelées sont fréquentes, même si elles sont rares durant les mois de juillet et août. Il nous est malgré tout arrivé d’essuyer une fois ou l’autre un coup de grésil, voire de décamper sous une température pré-hivernale à fin juillet ! Cependant, lorsque le beau temps perdure, le mercure flirte, et dépasse même à certaines occasions, les 30 degrés.

Des mesures de température, effectuées sur environ deux ans (2004-2006) à une altitude de 1750 m, mettent bien en évidence la longueur des hivers et les coups de chaleur des courts étés. Sur ces enregistrements, la température ne dépasse pas 10°C sur une période de début octobre à début mai (7 mois).

Zones d’exploration

m carte lagos(cliquer pour agrandir)
Différentes zones d’exploration ont été délimitées sur le terrain et des lettres attribuées à chacune. Elles ont des limites géographiques qui suivent plus ou moins le relief et leurs tailles sont très variables. La grande disparité dans le nombre de cavités découvertes dans chaque zone, de 1 à plus de 40, tient évidemment à leur géologie propre mais aussi énormément à leur distance du lieu de campement. Ce dernier facteur illustre parfaitement l’axiome tendant à affirmer qu’il y a des grottes là où se trouvent des spéléologues et non l’inverse !

La carte interactive Google des zones est disponible en bas de page ou en cliquant sur cette ligne.


La zone A (2 cavités) comprend «La Mortera del Valle», vaste étendue morainique formant des creux des bosses à perte de vue. Elle s’étend approximativement du Lago del Valle (1571 m) au Pico Cuetalbo (2074 m) et au sommet de Peña Orniz (2192 m) qu’elle partage avec la zone B.
m zone a-b


La zone B (2 cavités) comprend la partie sud de «La Mortera del Couto», étendue morainique semblable à la zone A. Elle s’étend approximativement du Lago del Valle au massif de Peña Orniz. Au sud, elle est délimitée par le Pico Rubio (2048 m).

m zone b

La zone C (2 cavités) comprend la partie sud de «La Mortera del Couto». Elle est située entre les sommets du Pico Rubio et du Pico Albo Oriental (2104 m) au nord, et le Pico Blanco (2162 m) au sud.

La zone E (1 cavité) comprend le fond de la vallée, principalement en rive droite du río del Valle, entre l’Auteiro (1268 m) et le Lago del Valle.

La zone F (1 cavité) occupe en grande bande longeant les crêtes formant frontière avec la province de León, entre les Lago Cueva (1570 m) et Lago Negro (1625 m) au nord et Peña Calabazosa (2106 m) au sud.


m zone g

La zone G (41 cavités) correspond à un synclinal perché appelé localement Pozos de Promedio (puits de Promedio). Complètement remaniée par les glaciers, cette région est intensément fracturée et parsemée de spectaculaires effondrements. La zone s’étant jusqu’au sommet du Pico Albo Occidental (2070 m).

m g 8 entree


• Le Gran Pozo de Promedio (G8) atteint près de 300 m de profondeur pour un développement de 3 km.


La zone H (14 cavités) s’articule autour de deux grands poljés, la Vega de Camayor et la Vega Fresnedo. Elle s’étend du sommet du Tarambicu (1912 m) à l’ouest jusqu’au Lago de Cerveriz (1640 m) à l’est.

m zone h vega de camayor
m zone h rocoso

• Le Réseau de Cerveriz (H4) est la plus grande cavité connue à Somiedo. Il se développe sur plus de 10 km et atteint une dénivellation totale de 336 m.h 4 grand canyon


• Le Sumidero de Camayor (H13) prend de l’importance chaque année et a dépassé les 4 km de développement pour une profondeur de 230 m.m h13 canyon du grand reve


La zone I (14 cavités) occupe le flanc ouest du Pico Albo Occidental, les pentes sud du Pico Rubio et du Pico Albo Oriental jusqu’au Lago de Cerveriz et au Lago Negro (appelé aussi Lago de Calabazosa).

m zone i


La zone K (5 cavités) occupe une vaste étendue à l’ouest du Tarrambicu. Elle comprend plusieurs poljés (Vega Fuentes, Vega Rionda).

La zone R (1 cavité) correspond à la vallée de Saliencia, entre le Lago Cueva et le village de Saliencia (1100 m).

La zone S (2 cavités) occupe le versant sud ainsi que le flanc ouest de Peña Chana (2067 m).


La zone V (23 cavités) est délimitée au sud par le sommet du Cebochéu (1984 m), au sud-ouest par le massif de Peña Chana et au nord par le río del Valle. Elle englobe plusieurs sommet et deux poljé remarquables (Sobre L’Agua et Vega de Cuevamelíz).

m zone v vega de cuevameliz


La zone Z (13 cavités) comprend un petit lapiaz indépendant qui a été détaché de la zone H. Elle occupe les pentes et le sommet du Cebolléu (1855 m), entre le petit poljé du même nom et le Lago de Cerveriz.

m zone z

• Le Pozo de los Bidochones (Z5) se développe sur plus d’un kilomètre et constitue la deuxième entrée du H4, l’entrée supérieure de ce réseau étant au Z6 (Hoyo-Negro Expreso).

m z 5 rampe concretionnee